jeudi 29 janvier 2009

Budget fédéral: des peanuts pour les Premières Nations - 2

Dans son budget, le gouvernement fédéral vient d'annoncer un fonds de 515 millions pour des projets d'infrastructures dans les réserves, et ce dans les trois secteurs prioritaires que sont les écoles (200M$), l'eau (165M$), les services communautaires essentiels en santé et services sociaux (135M$)et les services policiers (15M$).

Ces montants semblent importants et difficilement "criticables" aux yeux de l'opinion publique. Pourtant, quand on connaît la réalité et les besoins, ces sommes représentent une goute d'eau, loin de répondre aux immenses besoins. Un exemple: les besoins pour les infrastructures d'eau potable pour les Premières Nations au Québec seulement totalisent au moins 100M$ (est-il besoin de rappeler qu'il y encore des Premières Nations au Québec qui n'ont pas accès à l'eau potable?). Autre exemple: 2 casernes de police sur 3, dans les réserves, ont un besoin urgent de réparation ou rénovation. Ce n'est pas avec 1M$ (ce que les PN du Québec obtiendront) que l'on pourra rénover environ 25 casernes, acheter de nouveaux équipements et embaucher de nouveaux agents... des nécessités pour seulement rétrécir le faussé qui existe entre les corps policiers autochtones et les corps policiers municipaux.

Enfin, toutes ces sommes ne permettent pas de corriger le sous-financement chronique des Premières Nations, résultat du plafond de 2% imposé depuis 1996 à tous les budgets de fonctionnement et de services destinés aux Premières Nations par le gouvernement fédéral... plafond qui correspond au net à des coupures, compte tenu de l'explosion démographique des communautés... tout ça pendant que le gouvernement enregistrait des profits records!

mercredi 28 janvier 2009

Budget fédéral: des peanuts pour les Premières Nations - 1

Depuis plusieurs années, les Premières Nations souffrent de nombreux problèmes économiques et sociaux. La majorité de ces problèmes est une conséquence directe de la politique canadienne, notamment d'une stratégie d'étranglement fiscal pratiqué depuis 1996 (détails à venir dans mon prochain billet). Le budget d'hier n'est rien venu régler. La meilleur mesure pour les Premières Nations est certainement l'annonce de 400 millions de dollars sur deux ans pour le logement dans les réserves, somme consacrée à de nouveaux projets de logements sociaux, à la remise en état des logements sociaux existants et à des activités de logement complémentaires.

À priori, cette annonce est intéressante, car elle porte sur le logement social, un ''grand oublié'' des dernières annonces. Les Premières Nations ont fait beaucoup de représentations auprès du gouvernement au cours des dernières années pour que celui-ci investisse dans la construction et la rénovation de logements sociaux dans les réserves. Cependant, l'ordre de grandeur est loin de la réalité des besoins en logement social des Premières Nations du Québec. Celles-ci bénéficieront probablement, au mieux, de 40 M$ sur les 400 M$ annoncés, alors qu'il faudrait investir environ 10 fois plus, sur une période de 5 ans, pour répondre aux besoins en logement sociaux des Premières Nations du Qc et du Labrador.

Non seulement la somme ne répond pas aux besoins, mais elle est moindre que ce que le ministre des Finances avait laissé entendre au cours des dernières semaines. Il avait en effet été question d'un montant de 600 millions$ pour le logement des Premières Nations. Où sont passés les 200 millions$ manquants?

(Note: Merci à Guy Latouche, consultant en habitation pour l'APNQL)

lundi 12 janvier 2009

Attention, les Premières Nations ne sont pas des immigrants !

La Chef du Parti Québécois vient d’annoncer la nomination de son « cabinet fantôme ». En confiant à Camil Bouchard (député de Vachon) les responsabilités en matière de « Relations avec les Premières Nations, Immigration et Communautés culturelles », elle envoi un message qui risque de déplaire aux principaux concernés. Les Premières Nations ne sont pas des immigrants. Les dossiers qui les concernent ne sont aucunement assimilables à ceux des communautés culturelles. Les autorités publiques ont habituellement le réflexe de ne pas mettre « Premières Nations » et « communautés culturelles » dans le même panier. À titre d’exemple, la Commission Bouchard-Taylor avait, dès le départ, affirmé que la question des relations avec les Premières Nations –même si elles ont certaines similitudes- ne pouvaient pas faire l’objet de leur mandat, que cette question relevait d’une toute autre dimension nécessitant une réflexion distincte et particulière. La grande majorité des organisations autochtones ont d’ailleurs délibérément refusé de participer à cette commission, justement afin de ne pas confondre les genres.

Après la très mauvaise nomination de Pierre Corbeil à titre de ministre responsable des Affaires autochtones, vertement critiquée par l’ensemble des experts et observateurs, ainsi que dénoncée par les Premières Nations elles-mêmes, on était en mesure de s’attendre à mieux de la nouvelle Chef de l’Opposition officielle. La nomination de Pierre Corbeil a au moins le mérite d’accorder une grande importance au dossier autochtone en assurant qu’un ministre y sera dédié à 100%. On ne peut en dire autant du nouveau critique de l’Opposition officielle. La députation péquiste est pourtant suffisamment nombreuse pour que les responsabilités des relations avec les Premières Nations ne soient diluées avec d’autres responsabilités.


D’autant plus que les relations avec les Premières Nations est d’une importance capitale pour l’avenir du Québec et qu’il s’agit probablement de l’un des plus importants défis qui attend le Québec au cours des prochaines années, notamment dans le développement des régions. Les Premières Nations sont présentement engagées dans une démarche d’affirmation de leurs droits (Déclaration sur un processus d’affirmation de souveraineté, adoptée par l’Assemblée des Chefs le 27 novembre 2008) qui, nécessairement, exigera la définition d’une relation de type « de nation-à-nation ».


Le choix de Pierre Corbeil comme ministre des Affaires autochtones est une erreur parce qu’à titre d’ancien ministre des Ressources naturelles, ses relations avec les Premières Nations étaient (et sont) des plus mauvaises. Quant on sait que l’un des plus importants projets du premier ministre Jean Charest est son « Plan Nord », comment ne pas voir d’un mauvais œil la nomination de l’ancien ministre des Ressources naturelles aux Affaires autochtones ? Comme d’autres observateurs l’ont souligné, c’est un peu comme « faire entrer le loup dans la bergerie ». Dans un récent billet, je qualifiais donc cette nomination de « déclaration de guerre » du premier ministre.


Est-il nécessaire de rappeler que c’est en 1985 (par un gouvernement péquiste justement) que l’Assemblée nationale a reconnu que les Premières Nations forment des « nations distinctes » et qu’elles possèdent des droits particuliers parce qu’elles occupent le territoire actuel du Québec depuis plus de 5 000 ans. Ce ne sont donc pas des immigrants (c’est tout le contraire !) et ne doivent d’aucune façon être traitées comme des minorités culturelles du Québec.


Il faut surtout éviter de considérer les Premières Nations comme une « clientèle », au même titre que « les jeunes », « les femmes », « les communautés culturelles », etc. Les relations entre le Québec et les Premières Nations est d’un tout autre ordre. Et, si l’on veut créer de véritables relations de Nation-à-Nation avec les Premières Nations, il faut commencer par leur accorder le sérieux et l’importance qu’elles méritent.

dimanche 4 janvier 2009

Bonne année !

Je ne peux pas commencer mes rubriques de 2009 sans souhaiter à tous mes fidèles lecteurs la plus belle des années. Je vous souhaite de la santé, bien sûr, ainsi que du succès dans toutes vos activités et entreprises.

De façon plus particulière, je tiens à souhaiter une excellente année à Ghislain Picard et à l'APNQL. 2009 sera certainement une année charnière pour les Premières Nations. Avec le projet de Déclaration de souveraineté, adopté récemment par la Table des Chefs, la nouvelle année débute sous le sceau des plus grands espoirs. Les attentes sont grandes.

Incidemment, je souhaite une bonne année au gouvernement du Québec qui devra savoir répondre de façon satisfaisante aux attentes des Premières Nations, particulièrement à l'égard de la gestion des terres et des ressources. Le défi est de taille et commande une volonté politique qui a malheureusement fait défaut au cours des récentes années.

Enfin, je souhaite une bonne année au gouvernement fédéral -quel qu'il soit, après le retour de la Chambre- qui devra à nouveau se positionner sur la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones. Du côté Américain, on s'attend à ce que le nouveau Président Obama modifie la position de son gouvernement afin d'appuyer la Déclaration... ce qui ajoutera de la pression sur le Canada, qui ne voudra certainement pas demeurer l'un des rares pays à ne pas appuyer cette Déclaration (avec la Russie!).

Bonne année à toutes et tous!

mardi 23 décembre 2008

La hache de guerre

Dans son éditorial d'hier, dont le titre était "La hache de guerre", André Pratte souligne lui-aussi que les responsabilités des affaires autochtones doivent être assumées directement par le premier ministre. Il ajoute néanmoins que parler de "guerre" comme je le faisais dans ma lettre ouverte parue dans la même édition de La Presse était trop fort; et qu'il fallait donner la chance au coureur (Pierre Corbeil).

Je tiens à préciser que la hache de guerre, selon moi, c'est Jean Charest qui l'a déterrée. C'est lui qui a déclarer la guerre aux Premières Nations, pas l'inverse, en nommant Pierre Corbeil ministre responsable des Affaires autochtones. Comment voir cette nomination différemment?

Cela étant, les Premières Nations n'ont pas vraiment le choix. La formation du Conseil des ministres est la prérogative du premier ministre et, s'il décide de maintenir Pierre Corbeil à son poste (ce dont je ne doute pas), il devra en assumer les conséquences. Si le premier ministre ne veut pas la guerre avec les Premières Nations, il doit rapidement poser les gestes qui démontreront clairement ses intentions. Voici ce que je lui conseille:
1. proposer et organiser une rencontre avec les chefs de l'APNQL, durant laquelle il réitèrera son intention de demeurer personnellement très impliqué dans les dossiers autochtones;
2. soumettre à l'Assemblée nationale une motion d'appui à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette motion doit être présentée par le premier ministre;
3. relancer l'idée d'un forum des élus, composé de Chefs et de membres de l'Assemblée nationale (quelque chose de plus efficace que le défunt "Conseil conjoint des élus" qui n'a donné aucun résultat);

Si Jean Charest pose ces gestes au retour des travaux de l'Assemblée nationale, il permettra la reprise d'un dialogue. Ce serait sa façon d'enterrer la hache de guerre.

vendredi 19 décembre 2008

Jean Charest déclare la guerre aux Premières Nations

Comment expliquer la nomination de Pierre Corbeil au poste de ministre responsable des Affaires autochtones ? Quand on sait que les Premières Nations avaient milité, avant la formation du Conseil des ministres, pour que les responsabilités des Affaires autochtones demeurent dans les mains du premier ministre; quand on sait que Pierre Corbeil a été ministre des Ressources naturelles et, qu’à ce titre, il a ignoré, voire répudié, les droits des Premières Nations dans la gestion des ressources ; quand on sait qu’à titre de député d’Abitibi-Est, Pierre Corbeil a eu des relations plutôt acrimonieuses avec les communautés algonquines de sa région ; et quand on sait qu’en étant élu à nouveau député cette année, il a défait le seul et premier député autochtone de l’histoire du Québec (Alexis Wawanoloath) : deux seules raisons peuvent expliquer la décision du premier ministre : 1- Jean Charest est complètement déconnecté de la situation des Premières Nations, ou 2- il s’en fout complètement.

Peu importe la raison qui a motivé la nomination de Pierre Corbeil, le résultat est le même. En nommant Pierre Corbeil, Jean Charest vient de déclarer la guerre aux Premières Nations.

Surtout, cette nomination est en contradiction directe avec l’histoire des relations entre le Québec et les Premières Nations depuis le premier gouvernement de René Lévesque. Quand ce dernier a créé le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien (SAGMAI), aujourd’hui le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA), l’idée était d’établir entre le Québec et les peuples autochtones des relations de Nation à Nation. C’est dans cet esprit que René Lévesque a fait adopter, en 1985, une motion par l’Assemblée nationale qui reconnaît le statut de « nations » aux peuples autochtones et qui presse le gouvernement de négocier avec eux des ententes qui reconnaissent leurs droits ancestraux. Pendant plusieurs années, les responsabilités sont demeurées dans les mains du premier ministre.

Même quand il y a eu nomination de ministres, il s’agissait de ministres "délégués", le premier ministre demeurant le véritable ministre 2responsable" des Affaires autochtones. La nuance n’est pas mineure, elle est fondamentale.

Depuis 1985, le gouvernement du Québec n’a pas réussi à répondre adéquatement aux engagements de la Motion et à la vision de René Lévesque (à l’exception de la conclusion de l’entente dite de la Paix des Braves avec les Cris). Aujourd’hui, les Premières Nations réclament la fin du statu quo. Récemment, question de forcer le jeu, elles ont annoncé qu’elles envisageaient l’adoption de mesures unilatérales de souveraineté (les Premières Nations au Québec n’ont jamais été conquises et n’ont jamais signé de traités de cession, contrairement aux Premières Nations dans les autres provinces). Il y a donc une certaine urgence pour le gouvernement du Québec de revoir sa relation avec les Premières Nations. Ce que le gouvernement doit absolument éviter c’est de ne pas prendre au sérieux les avertissements récents des Premières Nations. Jean Charest vient de faire pire. Non seulement a-t-il choisi de ne pas prendre au sérieux les Premières Nations, il les a littéralement insulté, ce qui revient à leur déclarer la guerre.

mercredi 17 décembre 2008

Jean Charest, ministre des Affaires autochtones

Jean Charest doit former son nouveau Conseil des ministres. J'ai une seule suggestion à lui faire: ne pas nommer de ministre délégué aux Affaires autochtones, comme ce fut le cas au cours des dernières années.

Les relations entre le Québec et les autochtones doit reposer sur le concept de "nation-à-nation", ce qui signifie que le principal interlocuteur doit être le premier ministre lui-même. C'était d'ailleurs l'intention derrière la création, par René Lévesque, du Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien (SAGMAI) - qui allait ensuite devenir le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA) - qui fait partie du ministère du Conseil exécutif et relève directement du premier ministre. Le SAA fait toujours partie du ministère du Conseil exécutif mais, depuis plusieurs années, le premier ministre a délégué les responsabilités de ce secrétariat à un ministre délégué.

Or, l'expérience des ministres délégués n'a pas été très reluisante. Particulièrement, les dernières années ont plutôt démontré qu'il est impossible de faire avancer efficacement les dossiers sans un appui du premier ministre. Prenons l'exemple de la Paix des Braves, une entente conclue "de Nation à Nation" entre le Québec et le Grand Conseil des Cris. Cette entente est le fruit de l'implication personnelle du premier ministre Bernard Landry et la nomination, à titre de négociateur en chef, du Secrétaire général du Québec lui-même. Alors que le SAA et les ministres délégués ont tenté en vain pendant des années de conclure une entente avec les Cris, il n'a suffit que de quelques mois à l'équipe du Secrétariat général et du premier ministre à conclure une entente dite historique et, probablement, l'une des plus avant-gardiste du Canada.

Depuis ce temps, les relations entre le Québec et les Premières Nations sont au point mort. Ce statu quo représente un recul pour les Premières Nations qui doivent constamment faire confiance à un interlocuteur qui, généralement, a peu d'influence sur le Conseil des ministre. Il est temps de changer cette façon de faire et de placer les responsabilités des affaires autochtones au sommet de la hiérarchie gouvernementale. Cela confirmerait à tout le moins que Jean Charest était sérieux lorsqu'il a déclaré que le Plan Nord ne se ferait pas sans les autochtones...