Peu importe la raison qui a motivé la nomination de Pierre Corbeil, le résultat est le même. En nommant Pierre Corbeil, Jean Charest vient de déclarer la guerre aux Premières Nations.
Surtout, cette nomination est en contradiction directe avec l’histoire des relations entre le Québec et les Premières Nations depuis le premier gouvernement de René Lévesque. Quand ce dernier a créé le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien (SAGMAI), aujourd’hui le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA), l’idée était d’établir entre le Québec et les peuples autochtones des relations de Nation à Nation. C’est dans cet esprit que René Lévesque a fait adopter, en 1985, une motion par l’Assemblée nationale qui reconnaît le statut de « nations » aux peuples autochtones et qui presse le gouvernement de négocier avec eux des ententes qui reconnaissent leurs droits ancestraux. Pendant plusieurs années, les responsabilités sont demeurées dans les mains du premier ministre.
Même quand il y a eu nomination de ministres, il s’agissait de ministres "délégués", le premier ministre demeurant le véritable ministre 2responsable" des Affaires autochtones. La nuance n’est pas mineure, elle est fondamentale.
Depuis 1985, le gouvernement du Québec n’a pas réussi à répondre adéquatement aux engagements de la Motion et à la vision de René Lévesque (à l’exception de la conclusion de l’entente dite de la Paix des Braves avec les Cris). Aujourd’hui, les Premières Nations réclament la fin du statu quo. Récemment, question de forcer le jeu, elles ont annoncé qu’elles envisageaient l’adoption de mesures unilatérales de souveraineté (les Premières Nations au Québec n’ont jamais été conquises et n’ont jamais signé de traités de cession, contrairement aux Premières Nations dans les autres provinces). Il y a donc une certaine urgence pour le gouvernement du Québec de revoir sa relation avec les Premières Nations. Ce que le gouvernement doit absolument éviter c’est de ne pas prendre au sérieux les avertissements récents des Premières Nations. Jean Charest vient de faire pire. Non seulement a-t-il choisi de ne pas prendre au sérieux les Premières Nations, il les a littéralement insulté, ce qui revient à leur déclarer la guerre.