mardi 23 décembre 2008

La hache de guerre

Dans son éditorial d'hier, dont le titre était "La hache de guerre", André Pratte souligne lui-aussi que les responsabilités des affaires autochtones doivent être assumées directement par le premier ministre. Il ajoute néanmoins que parler de "guerre" comme je le faisais dans ma lettre ouverte parue dans la même édition de La Presse était trop fort; et qu'il fallait donner la chance au coureur (Pierre Corbeil).

Je tiens à préciser que la hache de guerre, selon moi, c'est Jean Charest qui l'a déterrée. C'est lui qui a déclarer la guerre aux Premières Nations, pas l'inverse, en nommant Pierre Corbeil ministre responsable des Affaires autochtones. Comment voir cette nomination différemment?

Cela étant, les Premières Nations n'ont pas vraiment le choix. La formation du Conseil des ministres est la prérogative du premier ministre et, s'il décide de maintenir Pierre Corbeil à son poste (ce dont je ne doute pas), il devra en assumer les conséquences. Si le premier ministre ne veut pas la guerre avec les Premières Nations, il doit rapidement poser les gestes qui démontreront clairement ses intentions. Voici ce que je lui conseille:
1. proposer et organiser une rencontre avec les chefs de l'APNQL, durant laquelle il réitèrera son intention de demeurer personnellement très impliqué dans les dossiers autochtones;
2. soumettre à l'Assemblée nationale une motion d'appui à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette motion doit être présentée par le premier ministre;
3. relancer l'idée d'un forum des élus, composé de Chefs et de membres de l'Assemblée nationale (quelque chose de plus efficace que le défunt "Conseil conjoint des élus" qui n'a donné aucun résultat);

Si Jean Charest pose ces gestes au retour des travaux de l'Assemblée nationale, il permettra la reprise d'un dialogue. Ce serait sa façon d'enterrer la hache de guerre.

vendredi 19 décembre 2008

Jean Charest déclare la guerre aux Premières Nations

Comment expliquer la nomination de Pierre Corbeil au poste de ministre responsable des Affaires autochtones ? Quand on sait que les Premières Nations avaient milité, avant la formation du Conseil des ministres, pour que les responsabilités des Affaires autochtones demeurent dans les mains du premier ministre; quand on sait que Pierre Corbeil a été ministre des Ressources naturelles et, qu’à ce titre, il a ignoré, voire répudié, les droits des Premières Nations dans la gestion des ressources ; quand on sait qu’à titre de député d’Abitibi-Est, Pierre Corbeil a eu des relations plutôt acrimonieuses avec les communautés algonquines de sa région ; et quand on sait qu’en étant élu à nouveau député cette année, il a défait le seul et premier député autochtone de l’histoire du Québec (Alexis Wawanoloath) : deux seules raisons peuvent expliquer la décision du premier ministre : 1- Jean Charest est complètement déconnecté de la situation des Premières Nations, ou 2- il s’en fout complètement.

Peu importe la raison qui a motivé la nomination de Pierre Corbeil, le résultat est le même. En nommant Pierre Corbeil, Jean Charest vient de déclarer la guerre aux Premières Nations.

Surtout, cette nomination est en contradiction directe avec l’histoire des relations entre le Québec et les Premières Nations depuis le premier gouvernement de René Lévesque. Quand ce dernier a créé le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien (SAGMAI), aujourd’hui le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA), l’idée était d’établir entre le Québec et les peuples autochtones des relations de Nation à Nation. C’est dans cet esprit que René Lévesque a fait adopter, en 1985, une motion par l’Assemblée nationale qui reconnaît le statut de « nations » aux peuples autochtones et qui presse le gouvernement de négocier avec eux des ententes qui reconnaissent leurs droits ancestraux. Pendant plusieurs années, les responsabilités sont demeurées dans les mains du premier ministre.

Même quand il y a eu nomination de ministres, il s’agissait de ministres "délégués", le premier ministre demeurant le véritable ministre 2responsable" des Affaires autochtones. La nuance n’est pas mineure, elle est fondamentale.

Depuis 1985, le gouvernement du Québec n’a pas réussi à répondre adéquatement aux engagements de la Motion et à la vision de René Lévesque (à l’exception de la conclusion de l’entente dite de la Paix des Braves avec les Cris). Aujourd’hui, les Premières Nations réclament la fin du statu quo. Récemment, question de forcer le jeu, elles ont annoncé qu’elles envisageaient l’adoption de mesures unilatérales de souveraineté (les Premières Nations au Québec n’ont jamais été conquises et n’ont jamais signé de traités de cession, contrairement aux Premières Nations dans les autres provinces). Il y a donc une certaine urgence pour le gouvernement du Québec de revoir sa relation avec les Premières Nations. Ce que le gouvernement doit absolument éviter c’est de ne pas prendre au sérieux les avertissements récents des Premières Nations. Jean Charest vient de faire pire. Non seulement a-t-il choisi de ne pas prendre au sérieux les Premières Nations, il les a littéralement insulté, ce qui revient à leur déclarer la guerre.

mercredi 17 décembre 2008

Jean Charest, ministre des Affaires autochtones

Jean Charest doit former son nouveau Conseil des ministres. J'ai une seule suggestion à lui faire: ne pas nommer de ministre délégué aux Affaires autochtones, comme ce fut le cas au cours des dernières années.

Les relations entre le Québec et les autochtones doit reposer sur le concept de "nation-à-nation", ce qui signifie que le principal interlocuteur doit être le premier ministre lui-même. C'était d'ailleurs l'intention derrière la création, par René Lévesque, du Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien (SAGMAI) - qui allait ensuite devenir le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA) - qui fait partie du ministère du Conseil exécutif et relève directement du premier ministre. Le SAA fait toujours partie du ministère du Conseil exécutif mais, depuis plusieurs années, le premier ministre a délégué les responsabilités de ce secrétariat à un ministre délégué.

Or, l'expérience des ministres délégués n'a pas été très reluisante. Particulièrement, les dernières années ont plutôt démontré qu'il est impossible de faire avancer efficacement les dossiers sans un appui du premier ministre. Prenons l'exemple de la Paix des Braves, une entente conclue "de Nation à Nation" entre le Québec et le Grand Conseil des Cris. Cette entente est le fruit de l'implication personnelle du premier ministre Bernard Landry et la nomination, à titre de négociateur en chef, du Secrétaire général du Québec lui-même. Alors que le SAA et les ministres délégués ont tenté en vain pendant des années de conclure une entente avec les Cris, il n'a suffit que de quelques mois à l'équipe du Secrétariat général et du premier ministre à conclure une entente dite historique et, probablement, l'une des plus avant-gardiste du Canada.

Depuis ce temps, les relations entre le Québec et les Premières Nations sont au point mort. Ce statu quo représente un recul pour les Premières Nations qui doivent constamment faire confiance à un interlocuteur qui, généralement, a peu d'influence sur le Conseil des ministre. Il est temps de changer cette façon de faire et de placer les responsabilités des affaires autochtones au sommet de la hiérarchie gouvernementale. Cela confirmerait à tout le moins que Jean Charest était sérieux lorsqu'il a déclaré que le Plan Nord ne se ferait pas sans les autochtones...

vendredi 5 décembre 2008

Une coalition... chez les Innus

La coalition est un concept et un mot à la mode ces jours-ci... Aujourd'hui, ce n'est pas à Ottawa mais à Québec que l'on a parlé d'une coalition; mais pas une coalition des partis politiques, une coalition de quatre communautés innues.

Pessamit, Ekuanitsh, Matimekush-Lac John et Uashat mak Mani-Utenam ont dévoilé aujourd'hui une "Alliance stratégique" visant à unir leurs forces "afin de mieux défendre [leur] titre et [leur] droit contre des gouvernements qui multiplient les actions sans en tenir compte".

Ce geste est évidemment en lien avec la récente sortie de l'APNQL sur un mécanisme d'affirmation de souveraineté. Il témoigne de sérieux de la démarche auprès d'au-moins quatre communautés qui représentent plus de la moitié de la nation Innue entière.

Cette Alliance vient aussi clouer le bec à ceux qui affirment depuis longtemps que Pessamit est isolé et que le Chef Raphaël Picard mène une bataille solitaire contre les gouvernements et l'exploitation du territoire sans son consentement.

Aujourd'hui, le message est clair: Jean Charest a besoin de se lever tôt pour faire accepter son "Plan Nord"!

mercredi 3 décembre 2008

Enfin un parti qui parle des Premières Nations!

Le Parti Québécois est le premier parti politique important (j'exclue Québec-Solidaire dont la présence est marginale pour l'instant mais dont le discours sur les Premières Nations est remarquable) à tenir compte des Premières Nations dans cette campagne électorale. Pauline Marois a déclaré aujourd'hui "nous devons rétablir un dialogue permanent entre les représentants de l'Assemblée nationale et les instances des Premières Nations. C'est pourquoi, un gouvernement du Parti Québécois s'engage à créer un forum permanent entre le Québec et les Premières Nations et les Inuits". Cet engagement rejoint selon moi une attente des Premières Nations du Québec.

Mme Marois profite de cette sortie sur les Premières Nations pour dénoncer l'attitude de Jean Charest qui a annoncé un "Plan Nord", sans tenir compte des droits des autochtones. Il peut bien aujourd'hui dire qu'il va consulter les Premières Nations, cette façon de faire traduit un problème fondamental au gouvernement québécois depuis des années: l'incapacité à tenir compte des Premières Nations dans l'élaboration des projets. C'est toujours après-coup, une fois le projet ficelé que le gouvernement pense à "consulter" les Premières Nations.

Honnêtement, j'avais perdu espoir de voir un chef politique parler de façon intelligeante des Premières Nations pendant la campagne électorale. La seule mention des Autochtones faites jusqu'à maintenant avait été la sortie de Mario Dumont pour réclamer des interventions contre la "contrebande de cigarettes dans les communautés autochtones"... mais, comme le dit Pierre Trudel aujourd'hui dans Le Devoir, Mario Dumont oublie de préciser que cette soi-disant "contrebande" existe dans une très petite minorité de communautés (essentiellement mohawks) et qu'il s'agit d'un enjeu qui ne mérite pas toute cette attention, contrairement aux enjeux plus fondamentaux en terme de qualité de vie, conditions socio-économique, éducation, emploi, etc.

Les Premières Nations doivent être quelque peu soulagées aujourd'hui d'entendre le discours de Mme Marois. Je le suis.

lundi 1 décembre 2008

Les Premières Nations affirment leur souveraineté

J'avais l'impression de participer à un événement historique, lors de la dernière Assemblée des Chefs de l'APNQL, tenue la semaine dernière au Château Bonne-Entente, à Québec. Dans une déclaration, adoptée au terme de trois jours d'intenses discussions, les Chefs déclarent qu'ils vont mettre en oeuvre, de manière unilatérale, un processus d'affirmation de leur souveraineté. À ma connaissance, ce geste est sans précédant.

Le fonds de la déclaration n'est pas nouveau. Les Chefs ont plusieurs fois adopté des déclarations réitérant leurs droits (autodétermination, autonomie gouvernementale, titres, etc.) et leurs aspirations, mais c'est la première fois que l'on parle d'agir de façon unilatérale. D'habitude, les déclarations invitent les gouvernements à "négocier" ou à "modifier leurs politiques"... mais, là, c'est toute autre chose. On ne parle plus d'une mise en demeure aux gouvernements, on parle carrément d'une révolution.

La suite des choses est maintenant très importante. Les Premières Nations ne peuvent plus reculer et doivent donner un sens réel et concret à cette Déclaration. Sinon, l'APNQL aura perdu toute sa crédibilité sur le plan politique.